Aménagement du territoire: le Grand Conseil freine les efforts du gouvernement pour trouver des solutions

Résumé

Le 10 mars 2014, le Grand Conseil valaisan a accepté la révision partielle de la loi d’application cantonale sur l’aménagement du territoire en l’amputant de ses deux objectifs majeurs: un transfert des compétences opérationnelles du parlement au gouvernement et une exigence pour les communes de fournir un concept global de développement lors de la révision de leur plan d’affectation des zones. Avec cette décision, le Grand Conseil démontre qu’il n’a pas pris la mesure des réformes à mettre en œuvre pour corriger les pratiques cantonales en matière d’aménagement du territoire.

Depuis l’acceptation par le peuple suisse de la lex Weber et de la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, le canton du Valais est sous pression. Avec des taux élevés de résidences secondaires et un dimensionnement large des zones à bâtir, il fait figure de cancre en matière d’aménagement du territoire au niveau suisse. En mars 2013, il est le seul canton suisse à avoir refusé la révision de la LAT.

Aujourd’hui, le Valais se retrouve face à un double défi: rendre ses outils d’aménagement du territoire compatibles avec la législation fédérale et faire accepter les réformes nécessaires à une population hostile à cette cause. Depuis plusieurs années, le conseil d’Etat a entrepris un vaste chantier intitulé Projet Développement territorial 2020 afin de doter le canton des moyens nécessaires pour faire face à ces défis. Il s’agit principalement de trois chantiers: la modification de la loi d’application cantonale sur l’aménagement du territoire au niveau des bases légales, l’élaboration d’un Concept cantonal de développement territorial au niveau stratégique et la révision du Plan directeur cantonal au niveau opérationnel.

Parmi les mesures emblématique de cette réforme figurent le transfert d’une partie des compétence du législatif vers l’exécutif pour la mise-à-jour du Plan directeur cantonal et l’introduction d’un concept global de développement lors de la révision des plans d’affectation de zones communaux. Afin d’éviter la menace d’un référendum, le Grand Conseil vient de supprimer ces deux articles contre l’avis de la commission thématique.

Le Grand Conseil a donc décidé par 112 voix contre 12 qu’il ne fallait rien changer. Peu importe les défis à relever, la pression croissante de la Confédération, la compétitivité exacerbée entre les régions du pays ou la perte de qualité des paysages valaisans, on prend les mêmes et on recommence. Les députés continueront de rédiger les fiches du Plan directeur cantonal sans se soucier de les appliquer. Les autorités communales continueront d’établir leur plan de zones sans avoir auparavant précisé dans un document le développement territorial souhaité pour leur commune.

En parfait juriste, Philippe Nantermod, député PLR et président de l’association Aqua Nostra, a déclaré au sujet de ce vote qu’un « mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Nous estimons dans ce cas qu’un mauvais arrangement reste un mauvais arrangement.

La décision du Grand Conseil démontre que la majorité des élus politiques du canton n’a toujours pas pris la mesure des changements amorcés depuis mars 2012. Face au durcissement du cadre légal fédéral, les cantons qui prennent leurs responsabilités pourront faire valoir les spécificités de leur territoire. Pour les cantons récalcitrants, la Confédération pourra imposer une ligne de conduite stricte, basée sur des critères statistiques et des méthodes unilatérales.

Avec cette décision regrettable, la marge de manœuvre du Conseil d’Etat pour faire aboutir son projet et anticiper l’application de la LAT se réduit considérablement. Comment imaginer en effet que ce même Grand Conseil puisse soutenir prochainement un Concept cantonal de développement territorial innovant et visionnaire et un Plan directeur cantonal ambitieux et contraignant?

Lors de cette votation, le parlement valaisan a été pris en otage par les communes valaisannes soucieuses de leur autonomie. Sa décision va clairement à l’encontre des intérêts du canton. A force de vouloir remonter le cours du temps, le Grand Conseil risque de freiner durablement le développement du Valais, par exemple en bloquant  l’homologation du futur Plan directeur cantonal ou en provoquant des recours contre les plans d’affectation de zones communaux.

Sion, le 24 mars 2014

Association Altitude 1400 

Lucien Barras, président

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