Avant-projet de loi fédérale sur les résidences secondaires: prise de position

Avant-projet de loi fédérale sur les résidences secondaires: prise de position de l’association Altitude1400

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Avant–propos

Le 24 janvier 2012, altitude 1400 affichait sa prise de position concernant l’initiative populaire « Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires »: Un NON, MAIS … car l’initiative vise le bon objectif, sans pour autant apporter les bonnes solutions.

Dans le cadre de la consultation sur le projet de loi et d’ordonnance sur les résidences secondaires, altitude 1400 est convaincu que le projet va dans le bon sens, même si certains éléments de planification restent encore vagues. Elle souhaite insister sur les éléments fondamentaux suivants :

  • Adapter et organiser la concertation pour une nouvelle planification territoriale et touristique au niveau cantonal ou régional ;
  • Favoriser l’innovation et la restructuration de l’économie touristique ;
  • Préserver et valoriser le patrimoine bâti existant.

Planification territoriale et touristique

Le rôle des communes, bien que reconnu dans le projet de loi, n’est pas suffisamment clair. Il faut notamment que ces dernières puissent définir en coordination avec les communes voisines (aspect régional), une planification territoriale adaptée aux nouvelles propositions notamment d’hébergement touristique qualifiées. De plus, il paraît opportun que les cantons puissent soutenir de manière concrète les communes dans l’établissement des statistiques et des inventaires nécessaires à l’application de cette loi. A travers de nouvelles conditions-cadres, les cantons doivent permettre aux communes d’inventorier, de caractériser, de calculer et de localiser précisément les différents types d’hébergement sans toutefois alourdir le processus administratif (monitoring dynamique). Cela favorisera l’analyse et la comparaison statistique impossible jusqu’alors, ainsi que l’anticipation de certaines problématiques : rénovation, équipements, etc. En bref, les communes doivent veiller à mettre en place un monitoring adapté de leur territoire (outil d’aide à la décision) afin de planifier leur développement sur la base d’une connaissance fine des territoires avoisinants. Une planification directrice régionale, avec des éléments spécifiques pour chaque commune, pourrait ainsi être un outil indispensable pour le développement touristique.

Favoriser l’innovation et la restructuration de l’économie touristique

L’entrée en vigueur du nouvel article constitutionnel sur la limitation des R2 accélère de manière brutale la restructuration de l’économie de montagne, notamment dans le secteur de la construction touristique. Il est donc souhaitable que la future loi d’application soutienne et dynamise le tourisme en région de montagne en favorisant l’innovation et en laissant une flexibilité aux régions et communes touristiques, plus à même de développer des stratégies adaptées aux spécificités de leurs territoires. Pour passer du tourisme de construction à un tourisme d’exploitation performant, il s’agit de valoriser l’existant (cf. point suivant), d’encourager le développement de modèles d’exploitation innovants, de soutenir la professionnalisation des branches hôtelières et parahôtelières, de faciliter la mise en réseau de tous les prestataires du marché de la location y.c les tours opérateurs et plateformes de réservation. Les entreprises d’hébergement ou porteurs de projets doivent être encouragés à développer leur projets alternatifs et de qualité via la mise en place de nouveaux modes de financement et l’accompagnement / le suivi (coaching technique, conseils) par des professionnels reconnus de la branche. Dans le contexte actuel, les mesures proposées sont encore trop faibles afin de garantir un dynamisme économique tourné vers l’innovation. Des mesures d’accompagnement allant dans ce sens doivent être proposées par la Confédération et/ou les cantons.

Préservation et valorisation du patrimoine

Les paysages des communes alpines sont riches de constructions traditionnelles. Ces bâtiments (granges, greniers, raccards, maisons traditionnelles peintes, moulins, etc.) présents en zones villages, ou hors zones à bâtir (zone mayens, zone agricole), doivent être préservés et valorisés car ils constituent le patrimoine ancestral de tout un territoire. La valorisation de ces « témoins du passé » aujourd’hui en partie à l’abandon, représente la richesse du tourisme culturel et durable de demain. La future loi d’application se doit de prendre des mesures en faveur de la préservation et de la valorisation de ce patrimoine en encourageant leur réhabilitation, requalification et rénovation complète ou partielle à des fins d’habitat et/ou d’usages touristiques. La préservation du patrimoine bâti est aussi une question de sécurité publique afin d’éviter que les bâtiments abandonnés, faute de moyens pour les entretenir, ne représentent un risque pour la population et les hôtes.

Loi fédérale sur les résidences secondaires, commentaires article par article

Les articles du projet de loi sont commentés ci-après. Dans certains cas, nous proposons de modifier / compléter la teneur des articles.

Art. 3 Tâches et compétences des cantons

> Il faut ajouter le soutien aux communes pour faciliter l’application de la nouvelle loi (inventaires, gestion et contrôle).

> Les cantons et la Confédération doivent compenser les effets de la nouvelle loi en soutenant le tourisme (manque à court terme de l’économie de construction touristique, mise en place à long terme de nouvelles activités d’exploitation).

Art. 4 Inventaire des résidences principales

> Préciser comment les cantons entendent éviter la surcharge administrative pour les communes (cf. art.1 de l’Ordonnance). Les cantons doivent fournir aux communes une méthode de calcul et de suivi-type de l’évolution des résidences secondaires, et assurer le contrôle annuel des informations.

Art. 7 Restriction d’utilisation

> Affectation pour de l’hébergement touristique: préciser ce que sont les conditions usuelles du marché et l’usage locale. La notion d’entreprise d’hébergement organisée doit être mieux définie : une agence de location professionnelle entre-t-elle dans cette définition? Sous quelles conditions?

> La proposition de l’art. 7 al.2 let. c n’est pas adaptée car dans les zones touristiques de montagne, plus de 70% des nuitées sont réalisées par des Suisses. Elle doit être supprimée ou remplacée par la notion de « centrale de réservation directe reconnue par l’organisation touristique régionale ».

Art. 8 Conditions d’autorisation particulières pour les logements affectés à l’hébergement touristique au sens de l’art. 7, al. 2, let. C

> Plan directeur cantonal: une stratégie touristique cantonale et régionale est nécessaire pour pouvoir localiser les besoins en R2.

> Conditions d’autorisation particulières pour les logements affectés à l’hébergement touristique: préciser le rôle des communes (justification des besoins) notamment en matière de planification directrice intercommunale. Ces points sont traités dans le cadre de la LAT et de la LcAT.

> Valorisation du patrimoine bâti existant: préciser les mesures concrètes et modalités d’accompagnement de projets : qui fait quoi (innovation, mise en réseau, financement) et avec quels moyens?

> Les cantons doivent fournir aux communes une méthode de calcul et de suivi type de l’évolution des R2, et assurer le contrôle annuel des informations (cf. art. 3 de l’Ordonnance)

Art. 9 Logements nécessaires au financement d’entreprises d’hébergement organisées

> La notion d’entreprise d’hébergement organisée doit être clairement définie : définition, caractéristiques, conditions

> Il nous paraît peu judicieux d’encourager le financement de l’hôtellerie par les résidences secondaires. Il ne faut pas perdre de vue que c’est la construction démesurée de R2 qui est en partie responsable de la perte d’attractivité des exploitations hôtelières. Il faudrait en tout cas introduire des conditions pour préciser que les entreprises d’hébergement organisées doivent respecter le but de l’initiative, soit réduire le mitage (densité, position centrale, accès aisé…) et favoriser l’occupation à l’année et l’allongement des saisons.

> La possibilité de changer l’affectation d’un ancien établissement hôtelier en résidence secondaire pourrait accélérer sa disparition, et de fait, la disparition de lits marchands, ce qui n’est pas souhaitable pour l’économie touristique. Il nous semble donc opportun d’identifier et de lister des restrictions, qui pourront d’ailleurs servir d’évaluation et de moyen de contrôle.

Art. 10 Nouveaux logements dans les bâtiments protégés

> L’autorisation de créer des nouvelles R2 pour sauvegarder et valoriser le patrimoine bâti est une bonne chose, en particulier pour les communes de montagne, mais ne faudrait-il pas imposer des règles / limites ?

> Des exigences qualitatives élevées doivent être données lors des travaux: inventaire du patrimoine avec inventaire, directives architecturales précises en fonction du type de bâtiments, commission d’experts pour juger les projet, recours aux entreprises locales pour maintenir le savoir-faire ancestral

Art. 11 Plans d’affectation spéciaux liés à un projet

> Cette entorse importante au texte de l’initiative n’est pas acceptable sans connaître le nombre de plans approuvés avant le 11 mars 2012 et le nombre de R2 potentiellement constructibles sur cette base. Il y a fort à craindre que de nombreux plans de quartier non-bâtis soient situés dans des communes dépassant largement le taux de 20% de R2 prévu par la nouvelle loi.

Art. 12 Modifications de la construction et de l’utilisation

> Nous soutenons l’article 12 qui défend le droit acquis, tout en gardant en tête l’objectif de limitation du mitage du paysage et de rentabilité économique.

> Nous écartons la variante, tout en restant conscient qu’il existe un risque d’augmentation du nombre de R2 et une diminution possible de la population permanente dans les lieux touristiques. Ces problématiques spécifiques pourront être résolues au cas par cas via l’article 13.

Art. 13 Abus et évolutions indésirables

> Ajouter que les cantons et les communes peuvent prendre des mesures spécifiques et contraignantes, applicables localement (p. ex. centre-village).

Art. 16 Taxe compensatrice

> Il s’agit de renoncer à une taxe « punitive », mais de valoriser le développement de stratégies incitatives visant à augmenter l’occupation et à garantir la qualité des résidences secondaires mises sur le marché de la location touristique.

Art. 19 Mesures administratives en cas d’utilisation illicite

> Le mécanisme de contrôle est insuffisant, notamment pour vérifier que les conditions sont respectées lors de l’octroi de marges de manoeuvre (financement croisé, rénovation de bâtiments protégés, etc.). La Confédération et les cantons doivent assumer ce rôle de contrôle et d’exécution des sanctions.

Conclusion

En conclusion, le projet de loi n’apporte que des solutions partielles aux questions des droits acquis, de la restructuration touristique et de la préservation du patrimoine bâti. Il faut également constater que des « flous » juridiques et administratifs restent possibles et que les tâches de chaque échelon territorial restent vagues. La loi traite de la problématique des résidences secondaires sans pour autant organiser et simplifier l’inventaire et le contrôle de l’occupation des nouvelles résidences touristiques. In fine, cela conduira à une marge d’interprétation trop importante laissant présager le contournement de la loi.

Contacts                                                                                                                                             Anne Sophie Fioretto, membre du comité, 076 205 07 29                                                   Alain Turatti, membre du comité, 079 739 65 74                                                                    Lucien Barras, vice-président, 078 714 71 22

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