« LEX WEBER, 10 ANS APRÈS », Prise de position de l’association, mars 2022

Il y a 10 ans, le peuple suisse acceptait de justesse la Lex Weber devenue « Loi fédérale sur les résidences secondaires ». À l’époque, l’association altitude 1400 avait décidé de combattre l’initiative Weber, en défendant la position du « NON, MAIS ». Le problème visé par les initiants était bien réel et méritait une solution, mais notre association estimait que la solution proposée par l’initiative était extrême et arbitraire, et donc difficile à accepter par les populations des communes concernées.

Bilan 10 ans après et éléments de réflexion sur cette votation qui avait suscité de vives réactions en terre valaisanne.

Mars 2012 : rappel du contexte
En décembre 2006, le Conseil d’Etat valaisan introduisait avec effet immédiat un moratoire sur les ventes de résidences secondaires aux étrangers. Le « moratoire Cina » comme il a été surnommé, a mis un frein net à la vente de résidences secondaires dans le canton. C’était là une décision forte et courageuse de l’autorité cantonale qui a assumé ses responsabilités dans sa mission de législateur pour faire respecter les bases légales (Lex Koller). A l’issue du moratoire, les Communes dans lesquelles des résidences secondaires avaient été autorisées en dérogation aux quotas de vente aux étranges ont été sommées de régulariser les dossiers litigieux. Toutes les communes valaisannes ont été invitées à mettre en place des outils de gestion des résidences secondaires (quotas annuels, contingentement en fonction des permis délivrés ou zones dédiées). Au niveau fédéral, deux instruments étaient à l’étude, qui travaillaient à la révision des bases légales de l’aménagement du territoire. La Confédération finalisait en collaboration avec les Cantons et les Communes l’élaboration du projet de territoire suisse (vision stratégique co-construite dont le but est d’orienter le développement territorial futur en Suisse). Finalement, les révisions successives de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) étaient en cours et devaient être prochainement soumises au peuple par les urnes.

C’est dans ce contexte de triple révision légale que l’association altitude 1400 a été créée, afin de faire entendre la voix des professionnels valaisans de la construction, entre les interdictions promulguées par les autorités et les appels à poursuivre un développement débridé de la part des milieux économiques.

La position du Non, mais …
L’association altitude 1400 estimait que l’initiative visait le bon objectif mais n’apportait pas la bonne réponse. Il était illusoire de vouloir régler le problème avec une approche quantitative, un plafond de 20% ou des quotas car l’aménagement du territoire ne se règle pas par décrets ou quotas. La solution était à chercher dans la nuance pour notre association qui a appelé de ses vœux un contre-projet valaisan, élaboré au niveau cantonal, afin d’apporter la bonne réponse à la question soulevée par l’initiative Weber. Nous pensions qu’il appartenait aux Valaisannes et Valaisans de rester acteurs de leur territoire et d’agir pour un développement de qualité en faveur du tourisme.

Ambiance de campagne
Si le développement touristique cantonal valaisan s’est fait pendant plus de trente ans sur la même ligne, le moratoire de 2006 avait radicalement changé le paradigme. Le triptyque d’instruments légaux expliqué plus haut a contribué à installer un climat de peur et d’incertitudes sur l’avenir. On touchait à l’émotionnel, à des emplois et des trajectoires de vie humaine. La population valaisanne a eu peur de ne plus pouvoir avoir de quoi vivre dans les communes et vallées où l’économie était axée principalement sur la construction. Pour ces raisons, une grande majorité des valaisans s’est opposée à l’initiative Weber. En combattant l’initiative Weber au côté des promoteurs et des acteurs de la construction, notre association a pu être entendue par les personnes concernées et délivrer un message en faveur d’un tourisme durable, d’une gestion du territoire économe et d’une maîtrise du développement économique par les populations locales.Ces thématiques ont ensuite été reprises en faveur de la révision de la LAT en 2013. Cette année-là, le peuple valaisan refusait massivement la nouvelle version de la LAT, à plus de 80% des voix, alors qu’elle était acceptée par 62,9% des Suissesses et Suisses.

Quel bilan aujourd’hui ?
La catastrophe promise après l’acceptation du texte de Franz Weber n’a pas eu lieu. Le couperet était rude mais nécessaire ; il a permis de mettre un frein à une folle course en avant, à la construction effrénée en montagne et au mitage du territoire alpin. La Lex Weber a permis de marquer une pause, de réfléchir et amorcer des changements de comportement.

Les opposants d’hier reconnaissent aujourd’hui les bienfaits de cette loi. Elle a permis de prendre conscience de la valeur du paysage, ressource limitée à protéger, et de réfléchir à un tourisme plus durable pour le Valais. Dans les stations touristiques, d’autres modèles d’hébergement se sont développés, comme les résidences touristiques. De nouveaux projets hôteliers ont également vu le jour, après des années de fermetures ou de transformation en appartements.

Avec le recul, on peut constater que le Valais a fait preuve de résilience et d’une grande faculté d’adaptation dans les années qui ont suivi. Le Canton a accueilli un fort développement économique dans tous les secteurs : il a su attirer nombre d’entreprises de pointe et innovantes, grâces à des prix du foncier plus attractifs que dans les régions urbaines ou à un cadre de vie de qualité (climat, loisirs, système scolaire performant, disponibilité de crèches, etc.). Un tel changement structurel a pris du temps, mais illustre comment le Valais a réussi à s’adapter.

Et le mitage du territoire ?
Le territoire est une ressource limitée qu’il faut absolument protéger. Au moment de la votation de la Lex Weber, on était face à un important problème de mitage du territoire dans les régions alpines (développement de zones chalets peu denses et très gourmandes en territoire). Il fallait agir pour réguler, pour préserver les terres agricoles et maintenir les qualités paysagères. Le moratoire instauré par le gouvernement valaisan (décembre 2006) a mis un premier frein à ce mitage. L’acceptation de la Lex Weber (mars 2012) puis la révision de la LAT (mars 2013), ont tous trois contribué à mettre en frein au mitage du territoire. Ces instruments de l’aménagement du territoire ont également contribué à limiter la destruction du paysage et ont beaucoup questionné sur le modèle de développement touristique et la nécessité de revoir le modèle de tourisme, en délaissant le tourisme de construction en faveur d’un tourisme d’exploitation.

D’un tourisme de construction à un tourisme d’exploitation
Dans ses prises de position, notre association a toujours milité pour le passage d’un « tourisme de construction » à un « tourisme d’exploitation ». Les avis étaient unanimes au sein du comité que la construction est un moyen et non une fin, pour atteindre des objectifs de développement économique qui soient à la fois viables et durables.

Suite à l’entrée en vigueur de la Lex Weber, il a fallu du temps pour s’adapter. Les entreprises établies dans les régions de montagne se sont diversifiées et ont élargi leur périmètre d’activité, vers des marchés de plaine notamment. Après quelques années, un rééquilibrage a été constaté. L’attrait pour l’habitat permanent (en résidence principale) a équilibré la baisse de construction de résidences secondaires, et le contexte général, mondial comme sanitaire ces deux dernières années ont renforcé l’attrait de la montagne pour les habitants urbains, friands de la qualité de vie qu’offre le Valais.

Mars 2022 : un bilan positif
Pour altitude 1400, le bilan à ce jour est positif. La Lex Weber a démontré la capacité du peuple valaisan à changer ses mentalités, à réfléchir à un développement plus durable de nos régions de montagne tout en questionnant un nouveau modèle de tourisme.

Pour le comité d’altitude1400,
Mars 2022, Hervé Savioz, 078 809 63 48

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